Histoire du Royaume

Fondé en début du 16ème siècle par les peuples « peuls yillaga », le Lamidat de Rey-Bouba affiche très tôt son indépendance à l’égard de Yola, capitale de la province de l’Adamawa, appartenant elle-même à l’empire peul de Sokkoto. Rey-Bouba se présentait, comme le Lamidat le plus puissant de l’Adamawa.

Cet « Etat » guerrier se fondait sur l’exploitation de peuples asservis et dominés par une classe d’affranchis (riimay’be) mâtinée de Dama et de Mono.

Dès le début, l’élément peul, très minoritaire, fait percevoir ce lamidat plus comme le prolongement d’une principauté dama, principale population autochtone, les Mbum de la région de Touboro continuant d’appeler le lamido de Rey « Mbay Dama », le chef des Dama.

Rey-Bouba sait, en effet, éblouir par ses fêtes et ses parades, il couvre de présents ses hôtes pour mieux préserver l’opacité du fonctionnement de ses institutions. On se souvient qu’au moment de la bataille de Garoua en 1915, entre les Allemands et les Français/Anglais, le Lamdio Bouba Djama’a avait décidé d’envoyer du ravitaillement. En un seul voyage, Bâba parvint à leur expédier jusqu’à 3490 bœufs. Il destinait aux Français 1030 bœufs. Il destinait aux anglais installés à Boklé également 1 030 bœufs. La part destinée aux Allemands de Garoua était identique. Il fit apprêter 3000 grands paniers remplis de riz, et donna l’ordre d’en remettre 1000 aux français, 1000 aux anglais et les 1000 autres aux Allemands. Il fit aussi préparer 3000 charges de pots de miel, 300 grosses corbeilles d’arachides, 3000 jarres d’huile d’arachide et de beurre fondu pour donner aux protagonistes en conflit.

Nul ne savait ce qu’on allait faire de tous ces bœufs, car Bâba ne s’était confié à personne.

Ce n’est que quand tout fut apprêté qu’il convoqua ses conseillers : les dignitaires peuls, les princes, les grands serviteurs, les représentants des Dâma, ceux des Mboum et des Dourou. Il leur déclara alors : « je voudrais envoyer à ces blancs en guerre de quoi manger. Les Allemands recevront aussi leur part ». Certains de lui conseiller : « N’envoyez pas aux Allemands ! D’abord parce que Garoua est complètement encerclé, il n’y a aucune issue pour entrer ou en sortir. Ensuite nous risquerions de nous aliéner des Français et Anglais au cas où ils apprendraient que nous avons également ravitaillé les Allemands. Bâba déclara : « Cela ne fait rien, qu’on ravitaille aussi les Allemands. Je n’ai rien à leur reprocher ; avant que Dieu ne fasse éclater la guerre, nos rapports avec les Allemands étaient excellents. Quant aux Français, je ne les connais pas, mais puisqu’ils sont en guerre, je dois les ravitailler. Je ne peux pas laisser de côté les Anglais que je ne connais pas davantage et se trouvent camper actuellement à Boklé. Tout ce que vous dis est déjà apprêté. Que le convoi se mette en route ».

Parvenue à la hauteur qui domine Boklé, la caravane des anglais bifurqua vers la colline. Celle des Allemands poursuivit sa route vers Garoua, mais bientôt fut arrêté par les sentinelles anglaises qui les interrogèrent : « Où allez-vous ? ». Les envoyés de Bâba répondirent : « nous allons à Garoua …. C’est Bâba qui a envoyés leurs porter des vivres ». Ils tendirent une lettre de Bâba rédigée en foulfouldé. Le Colonel Brisset, commandant en chef de toutes ces troupes (françaises et anglaises), fit répondre qu’il faut laisser passer les gens de Rey et leur permettre de pénétrer à Garoua apporter aux Allemands la part qui leur était destinée.

Après réception de l’envoi, le chef des Allemands écrit à Bâba : « Je vous remercie. Rien d’autre à vous déclarer. » Les Anglais et Français adressèrent eux aussi des lettres de remerciements à Bâba pour le ravitaillement qu’il leur avait expédié.

Bouba Jama’a (1901-1945), troisième Lamido de Rey-bouba, avait apporté à la colonne Brisset de la campagne de 1914-1916, une aide significative qui a marqué l’histoire du Lamidat de Rey-Bouba.

Sous le règne de sa Majesté Bouba Jama’a, le Lamidat de Rey se serait vu concéder un statut spécifique. Promesse aurait été faite que, jusqu’à la mort de son lamido, Rey relèverait directement du Haut-Commissaire de la République française, par l’intermédiaire du chef de circonscription de Garoua et qu’aucun poste administratif ne serait établi dans son commandement ; ce que rappelleraient les célèbres arrêtés du 05 juillet 1925 et du 24 décembre 1934. En 1936, une subdivision de Bouba-Ndjida est créée sans « chef-lieu comportant résidence fixe ».

Le Lamidat de Rey-Bouba demeura pendant des siècles un vaste Département, le « Mayo-Rey », avec une superficie (36 529 km²) supérieure à celles de la Belgique (30 530 km²) et du Luxembourg (2 586 km²), les deux pays réunis.

Depuis le 04 juillet 2007, un Décret du Premier Ministre, portant homologation de la désignation de sa Majesté Aboubakary Abdoulaye, comme chef traditionnel de 1er degré de Rey-Bouba, a confiné les compétences de celui-ci au seul arrondissement de Rey-Bouba. L’acte du Premier Ministre a ainsi réduit la compétence territoriale à 8 000 km².

Précisons que cette décision n’a jamais fait l’unanimité au sein du Royaume de Rey-Bouba et ce décret de l’exécutif a du mal à suivre ses effets sur le terrain. C’est une question qui heurte les sensibilités. Cela préoccupe plus d’une personne. En même temps, c’est une réalité évidente qui n’émeut personne.